Dans le précédent article, j’ai abordé succinctement l’éthique en photographie Nature sous le prisme du terrain.
Mais il est un autre aspect encore peu évoqué qui devrait pourtant faire réfléchir tous les photographes se revendiquant d’une certaine éthique.
Les fabricants ont bien compris que faire évoluer le matériel à vitesse grand V créait une sorte de frénésie chez les passionnés.
Forts de ce constat et de l’adage “quand on aime, on ne compte pas”, les nouveautés s’enchaînent, créant des phénomènes d’achats compulsifs pour des boîtiers et téléobjectifs qui n’ont parfois de révolutionnaires que le nom.
Si l’on peut saluer la prouesse marketing des fabricants, il n’est pas inutile de revenir sur certains points avant de foncer tête baissée sur le dernier “joujou” en date.
TERRES RARES
Derrière ce terme assez vague se cache un enjeu majeur du développement toujours grandissant de nos chers appareils numériques auxquels boîtiers et objectifs n’échappent pas.
Circuits imprimés ou intégrés, batteries, écran, micros…autant de composants qui nécessitent l’utilisation d’éléments aux noms peu poétiques et qui ont tous le point commun de faire l’objet d’une véritable ruée vers l’or.
Bien que ces “terres” n’aient de “rares” que le nom (car relativement répandues dans la croûte terrestre), elles ne sont pas moins difficiles à exploiter, par le biais de procédés hautement polluants. La Chine s’est imposée comme le leader mondial de l’exploitation de ces mines, fournissant la majeure partie des terres rares aux fabricants dispersés de par le monde.
COMMENT OEUVRER À UNE CONSOMMATION RAISONNÉE?
Car oui, acquérir du matériel photographique est bien un acte de consommation comme un autre et, à ce titre, il convient de prendre conscience que nos actes en tant qu’acheteurs ont un impact direct sur les écosystèmes que nous nous efforçons de mettre en lumière et de préserver.
L’idée n’est pas de remiser nos appareils aux oubliettes et de les troquer contre une feuille et un crayon de papier. Il serait bien difficile de se passer des évolutions techniques, rendant la pratique de notre passion plus accessible. Cela étant dit, si les développeurs de nos gadgets favoris sont parvenus à créer un réel engouement pour chaque “nouveauté”, ils ont également contribué à ce que le marché de l’occasion explose littéralement.
LE BON COIN:UN AMI QUI NOUS VEUT DU BIEN
Il n’y a qu’à parcourir les différents blogs ou sites d’annonces spécialisés dans le matériel de seconde main pour s’en rendre compte.
Je suis fréquemment surpris d’y retrouver des boîtiers dont la date de mise sur le marché remonte à quelques mois, voire quelques semaines, démontrant le caractère compulsif de certains acheteurs qui se retrouvent avec un appareil dont les subtilités du fonctionnement et les caractéristiques techniques ne conviennent pas, ou leur échappent.
Ces occasions représentent selon moi une excellente alternative à cette “course à l’armement” et permettent de bénéficier de matériel de (très) bonne qualité, sans pour autant avoir recours à la vente d’un organe ou la mise aux clous de vos bijoux de famille.
Aujourd’hui il serait impossible de quantifier le nombre de boîtiers et objectifs qui sommeillent dans le fond d’un placard en parfait état de fonctionnement, et qui feraient pourtant les beaux jours de quelques passionnés, débutants comme confirmés.
Acquérir du matériel d’occasion est aussi un moyen à notre modeste échelle, de ne pas contribuer davantage aux pillages des ressources naturelles de notre bonne vieille Terre.
ATTEINDRE LES LIMITES DE SON MATÉRIEL
La tentation peut s’avérer grande lorsque l’on voit passer une publicité ou un reportage mettant en scène un grand photographe professionnel vantant les mérites de la dernière machine d’une grande marque.
Il est pourtant selon moi essentiel de se poser quelques questions avant d’exploser son PEL pour foncer chez son revendeur favori:
- Cet achat est-il raisonnable?(est-ce que mes revenus, mon train de vie, me permettent de claquer 10000 euros dans du matériel?!).
- Ai-je suffisamment de temps à consacrer à cette passion pour justifier une telle dépense?(encore une fois, regarder les motifs de revente de certains appareils flambant neufs, celui du manque de temps revient très fréquemment).
- Est-ce que je peux considérer que mon matériel actuel n’a plus de secret pour moi, que j’en connais toutes les fonctions et que ses caractéristiques techniques me bloquent dans ma pratique?
Ce dernier point me paraît essentiel.
Personnellement, c’est la première question que je me pose avant d’envisager ne serait-ce que de prospecter pour une nouvelle acquisition.
Bien souvent, dans un sursaut de lucidité et de retour à la raison, on s’aperçoit que non et que c’est seulement l’appel du pied des marques qui nous fait nous tourner vers la dernière évolution de telle ou telle machine.
EN CONCLUSION
De la même manière que notre attitude sur le terrain, notre responsabilité en tant qu’acheteur doit nous interroger.
L’achat de matériel dont la technologie repose sur l’exploitation de terres rares est un fait qu’il convient de conscientiser.
En avoir conscience, c’est déjà œuvrer pour une consommation plus responsable, nous poussant à trouver des alternatives au “tout beau, tout neuf, tout de suite”, qui sont des termes qui n’ont que peu à voir avec les valeurs défendues par les photographes de Nature.
Encore une fois, les propos tenus dans cet article n’engagent que moi et ne sont qu’une piste de réflexion pour celles et ceux qui souhaiteraient se pencher un peu plus sur cette notion d’éthique, aujourd’hui utilisée à tort et à travers.
Cet article à vocation à évoluer dans le temps, aussi s’il vous apparaît qu’une notion indispensable relative au sujet n’a pas été abordée, je vous serais reconnaissant de le mentionner en commentaires.